Description
“Voyager en train m’a souvent donné l’impression d’être dans les coulisses du monde. Par la fenêtre, j’aperçois l’arrière des maisons, des remises caduques, des tas de bois, des choses étranges mises en attente et qui restent là, des potagers soignés ou parfois sauvages, des jardins encadrés de haies ou de barrières, des champs à perte de vue. Quand il neige, je prends le train. L’épaisse mousse blanche recouvre le paysage. Émergent alors de petits débris épars, des morceaux de bois solitaires. Les angles s’arrondissent et les arbres décharnés deviennent à moitié visibles, rendus plus fins par la masse blanche. La boue aussi recouvre tout quand un barrage cède. La terre trempée déferle sur les vallées et laisse derrière elle, des villes et des villages dévastés. Et puis, il y a Alep et d’autres lieux ravagés, qui ne sont plus que des ruines. Les maisons éventrées, si encore debout écartèlent leurs charpentes sur une terre ramollie. Parfois, je lève les yeux vers un ciel serein où flottent des preuves d’atmosphère, des silences épais, et des agrès pendants. Vents faibles suspendus aux orages précoces – visions fugaces aux lumières aveuglantes, de terre mouillée aux odeurs d’hiver et de soufre. Parfois, le regard se règle sur l’horizon.”
Monique Dohy