Description
“Le travail de Monique Dohy parle avant tout du temps. Puis de l’espace, son jumeau délicieux.
Chacune de ses gravures concentre en elle des heures de vigilance, d’éveil, de lectures, de découvertes ; de révoltes et de tensions aussi.
Elles sont faites de pas posés sur les sentiers forestiers, de regards jetés depuis les fenêtres des trains, de cailloux ramassés, de poussière dansante dans les rais de soleil. Elles sont la neige quand elle recouvre tout, quand seul apparaît l’essentiel, la limite et le cadre. Elles sont le ciel caressé par les grues en toute majesté, et la noirceur du monde ; les bombes qui enterrent les joies mortes sous les décombres.
Elles sont, enfin, tout ceci consommé, le geste d’atelier, la pointe sèche qui glisse sur la plaque, libre de s’approprier le vide, l’encre qui coule, la tache qui s’offre, la morsure de l’acide.
Gratter, griffer, graver : libérer l’énergie contenue, la cascade des mots tus, libérer comme libère la danse ou la transe, comme libère le cri. Le temps de l’œuvre est duel : d’un côté le long processus d’accumulation puis de décantation, de l’autre le présent, l’immédiateté du geste chargé de la tension accumulée. L’espace de l’œuvre est physique, scène de plexiglas ou de zinc où s’élancent les pointes des danseuses d’acier, puis se révèle paysage, portée, nuée d’oiseaux, barbelés, signes infimes et lumière.
Il se pourrait que tant de temps et tant d’espace se retrouvent unis dans une même gravure qu’elle atteigne alors le noir absolu. Qu’elle se mette à vibrer à l’unisson de son histoire. Monique Dohy ôterait alors le métal au métal, retrouverait le blanc, la tentation du vide.
Et ce blanc-là aurait en lui sa mémoire, sa force et son incroyable douceur. ”
Laurence Baud’huin